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Les Canadiens devraient-ils s'inquiéter de la qualité du lait américain?

Un expert laitier se prononce sur les conceptions erronées communes dans la foulée de l'AEUMC.
Ryan Remiorz

Le récent accord commercial ouvrira le Canada à davantage de produits laitiers américains, et les producteurs laitiers soutiennent que cette décision perturbera un système perfectionné qui a réussi à soutenir l'industrie laitière du Canada, alors que de nombreux producteurs laitiers du monde développé sont au bord de la faillite.

"Le message envoyé à nos agriculteurs passionnés, fiers et sensibles à la qualité, et à tous les gens qui travaillent dans le secteur laitier est clair: ils ne sont rien de plus qu'une monnaie d'échange pour satisfaire le président Trump", a déclaré le président des Producteurs laitiers du Canada, Pierre Lampron, à Sudbury.com.

Les producteurs ne sont pas les seuls critiques de l'AEUMC. Si la campagne #AcheterCanadien sur les médias sociaux en est une indication, de nombreux consommateurs canadiens ne sont pas satisfaits non plus - en grande partie parce que bon nombre d'entre nous pensons que le lait américain est dégoûtant:

«Je vais continuer d'appuyer l'industrie laitière canadienne. Je préfère notre lait et nos vaches, malgré le fait que nous aurons 3% plus d'options américaines. Je n'aime pas les hormones et les antibiotiques dans mon lait et mon fromage, peu importe le prix.»

«Souvenez-vous les Canadiens: le lait américain est contaminé à la STBR. Ne consommez pas des #ProduitsLaitiersAméricains: c'est du #poison.»

«Je n'achèterai jamais du lait américain ou de la crème glacée, ça goûte mauvais et ils n'ont pas les mêmes standards que nous avons au Canada, c'est de la pure vidange»

Mais notre peur est-elle justifiée? Alors que les Canadiens ont de plus en plus d'options rouge-blanc-bleu dans le rayon des produits laitiers, voici un aperçu des préoccupations communes concernant le lait américain.

Darryl Dyck

Le lait américain contient-il des hormones de croissance?

Oui, mais l'impact de ces hormones sur les humains n'est pas clair.

L'Europe, le Japon, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont tous interdit ou bloqué le lait américain en raison d'une hormone de croissance synthétique appelée hormone de croissance bovine recombinante (STBR). Cette hormone est injectée à une vache pour qu'elle produise plus de lait.

Santé Canada a examiné l'hormone dans les années 1990. À l'époque, il avait été déterminé que la STBR ne posait pas de risque pour la santé des humains, mais nuisait à la santé et au bien-être des vaches. L'hormone n'a jamais été approuvée pour la vente au Canada.

En revanche, l'utilisation de la STBR est approuvée aux États-Unis et quelques études récentes ont conduit certains chercheurs à émettre des inquiétudes quant à ses risques pour la santé des humains.

C'est parce qu'il a été prouvé que le lait de vaches traitées à la STBR contenait des taux élevés d'IGF-1, une hormone pouvant influer sur le développement des cancers de la prostate, du sein, colorectal et autres, si elle est présente à des concentrations élevées chez l'homme.

Mais ce n'est pas quelque chose qui va probablement toucher les consommateurs canadiens.

"Grâce aux campagnes de sensibilisation menées par les consommateurs, le nombre de fermes américaines traitant leurs troupeaux avec cette hormone a été réduit de façon spectaculaire", a déclaré au HuffPost Canada, Mike von Massow, professeur agrégé d'agriculture alimentaire à l'Université de Guelph. "Alors, premièrement, il est peu probable que vous consommiez le lait d'une vache traitée à la STBR. Ensuite, la probabilité d'en consommer suffisamment pour avoir un impact réel sur votre santé est encore plus mince."

L'AEUMC aura probablement de sérieux effets sur les producteurs laitiers canadiens. L'article se poursuit sous cette vidéo:

Mais il y a une autre raison aussi.

"Parce qu'il est extrêmement coûteux d'expédier du lait liquide, ce seront des produits laitiers [solides] américains qui arriveront sur les tablettes canadiennes", a déclaré von Massow. "Et dans le rare cas où ces produits sont fabriqués à partir du lait de vaches traitées à la STBR, les niveaux d'hormones sont réduits de manière à être négligeables."

Y a-t-il du pus dans le lait américain?

La réponse courte? Non, mais il y a peut-être plus de cellules qui combattent la maladie.

Revenons un peu en arrière.

Un moyen de mesurer la qualité du lait est la numération des cellules somatiques (NCS). Les cellules somatiques sont des leucocytes, ou globules blancs, qui sont produits par le système immunitaire de la vache pour combattre l'inflammation interne. C'est là que les organisations de défense des animaux comme PETA parviennent à nous confondre avec l'argument qu'elles utilisent les globules blancs et le pus de façon interchangeable. Ce n'est pas la même chose.

La NCS est le nombre total de cellules par millilitre de lait. Un nombre de NCS plus bas signifie un lait de meilleure qualité. Si le nombre est trop élevé, cela peut vouloir dire que la vache est malade.

Nous ne parlons pas de briques de fromage envoyées à la frontière dans le coffre d'une voiture. Nos systèmes fonctionnent bien pour éviter tout problème de qualité et de sécurité.Mike von Massow, Université de Guelph

Cependant, bien que les limites légales du NCS restent les mêmes, les producteurs laitiers américains ont constamment réduit leur nombre de NCS au cours de la dernière décennie, les rapprochant ainsi beaucoup des normes internationales. Les normes d'inspection rigoureuses garantissent également que le nombre de cellules n'affectera pas la santé humaine ou la saveur, a déclaré von Massow.

"Si un NCS légèrement supérieur nuisait à la qualité, à la saveur ou à la santé du lait américain, ce serait une autre histoire", a-t-il déclaré. "Mais ce n'est pas le cas."

Le lait canadien et le lait américain sont-ils soumis à des normes d'inspection différentes?

Les deux pays utilisent plusieurs niveaux d'inspection pour garantir la sécurité des produits.

Bien que la Food and Drug Administration des États-Unis réglemente l'inspection des produits laitiers aux États-Unis, l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), ainsi que les gouvernements provinciaux, sont responsables de l'application des normes ici.

"Les produits laitiers importés des États-Unis seront soumis aux mêmes normes d'inspection, d'étiquetage et de qualité que les produits canadiens en vertu de l'ACIA", a déclaré M. von Massow. "Nous ne parlons pas de briques de fromage envoyées à travers la frontière dans le coffre d'une voiture. Nos systèmes fonctionnent bien pour prévenir les problèmes de qualité et de sécurité, quels qu'ils soient".

Nathan Denette

La différence la plus aiguë est peut-être la taille même de chaque industrie laitière respective, et donc le nombre d'exploitations agricoles que chaque système doit réglementer: le Canada compte environ 11 000 exploitations laitières, chacune avec une moyenne de 85 vaches, alors qu'on compte environ 41 800 exploitations États-Unis, chacune avec environ 225 vaches.

Pourtant, M. von Massow n'est pas inquiet.

"Les gens ont de nombreuses bonnes raisons d'acheter des produits canadiens, mais les consommateurs doivent être assurés que la crainte d'une qualité inférieure n'en fait pas partie", a-t-il déclaré. "Qu'il s'agisse d'un Monterrey Jack du Wisconsin ou d'un chèvre québécois, les consommateurs peuvent être assurés que les produits laitiers qu'ils voient dans les rayons de leurs épiceries sont de grande qualité."

Ce texte initialement publié sur le HuffPost Canada a été traduit de l'anglais.

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